Gheranda Samhita 6. La méditation — Dhyana

 

  1. La discipline des six purifications
  2. Les postures — asana
  3. Les gestes ou sceaux — mudra
  4. Le retournement de l'activité sensorielle — Pratyahara
  5. Le contrôle de l'énergie du souffle vital — Pranayama
  6. La méditation — Dhyana
  7. L'enstase ou Identification — samadhi

 

1. Gheranda dit :
Il y a trois sortes de méditations : sur les éléments grossiers, sur les éléments subtils et sur la pure lumière. Celle dite «grossière» a pour support toute matière solide, manifestation ou déités personifiées. Celle dite «lumineuse» concerne la nature de la lumière du brahman (comme manifestation informelle de l'absolue réalité). Celle appelée «subtile» prend pour support brahma en tant que bindu, le point ultime, et kundali, la force suprême.

2 - 8. A) Sthula dhyana. Méditation sur des supports matériels.
Le yogin doit contempler l'incomparable océan de nectar qui réside en son propre coeur. En son milieu, telle un joyau, émerge une ile dont le sable est fait de pierres précieuses. De tous côtés poussent des arbres kadamba et d'innombrables fleurs. Ce petit bois de kadamba touffu est entouré d'une sorte de fossé parsemé de jasmins à grandes fleurs, de jasmins zambac et jati, de mimosas kesara, de gingembre arbusif, d'érythrines parijaka et de lotus terrestres dont les fragrances embaumment les quatre coins de l'horizon.
Au milieu de ce jardin, que le yogin «imagine» un merveilleux arbre kalpa, symbole de toute l'existence d'un univers, avec quatre branches représentant les quatre veda et chargé perpétuellement de fleurs et de fruits. Des abeilles bourdonnent autour et des coucous y chantent. En cet endroit, qu'il visualise un pavillon serti de rubis et en son centre un sofa de toute beauté ou rcposc sa divinité d'election. Il lui rendra hommage selon les instructions de son guru ; qu'il la contemple fixement dans son apparence, avec ses ornements et son véhicule. Cette forme d'absorption mentale que l'on pratique quotidiennement s'appelle méditation sur les supports grossiers ou materiels, «sthula dhyana».

9-11. Voici un autre procédé :
On peut aussi visualiser le grand lotus à mille pétales (sahasrara) et, en surimpression sur son péricarpe, un autre petit lotus à douze petales, de couleur blanche, extrêmement lumineux ; sur ses pétales, et dans l'ordre, les douze phonèmes-racines (bija) nommés ha-sa-ksa-ma-la-va-ra-yum-ha-sa-kha-phrem ; au milieu de son péricarpe on visualise un triangle formé de trois lignes dont les départs sont marqués respectivement de a-ka et tha. Les trois angles internes portent les syllabes ha-la-ksa et au centre du triangle se trouve le pranava OM.

12. Dans ce même espace contempler ensuite un siège merveilleux constitué du nada et du bindu. Sur ce sieège reposent un couple de cygnes et des sandales (celles du guru).

13 - 14. C'est en ce lieu encore qu'il faut méditer sur le guru divin (gurudeva) aux deux bras et aux trois yeux. II est habillé d'un vêtement immaculé, oint d'onguent blanc fonement parfumé et porte une guirlande de fleurs blanches. A ses côtés se tient sa paredre, la shakti, couleur rouge-sang. En comemplant le guru sous cet aspect, on réalise sthula dhyana.

15. B) Jyotirdhyana. La méditation sur la « nature de lumière ».
Gheranda dit : je t'ai parlé de la méditation sur les éléments grossiers. Ecoute maintenant en quoi consiste la meditation sur la nature de lumière ou tejodhyana. Grâce à elle on obtient les « pouvoirs » du yoga et la perception directe de son soi (atman).

16. Dans le centre de la base muladhara réside la kundalini qui a la forme d'un serpent. La conscience individuelle (jivatman) se tient là, telle un grain de lumière. On doit se concentrer
et méditer sur cette flamme comme étant le brahman C'est cela l'incomparable contemplation sur la «nature de lumière».

17. Voici un autre procédé :
Entre les sourcils, au-dessus du mental, il y a une lumière formée du pranava OM. On peut contempler cette lueur et s'intégrer à elle. C'est aussi une technique de méditation sur la «nature de lumière».

18 - 19. C) Sukshmadhyana. Méditation sur des supports subtils.
Gheranda dit :
Ô Canda, maintenant que je t'ai parlé de la méditation sur la lumière, écoute en quoi consiste celle sur les « supports subtils » ou sukshmadhyana. Si par quelque heureuse fortune la kundali est reveillée, elle rejoint la Conscience du Soi (atman) et sort du corps par la porte des deux yeux. Elle se plait à emprunter la voie royale (la voie causale ou lumineuse), mais ce mouvement ne peut être interprété comme de l'instabilité.

20. Le yogin atteindra la parfaite contemplation en employant le « geste consacré à Shiva appelé shambhavimudra. Cette méditation sur les éléments subtils est très secrète et difficile à réaliser, même par les dieux.

21. On considère que la contemplation sur « la nature de lumière » est cent fois supérieure à la méditation sur les « supports grossiers ». Mais la méditation sur les « éléments subtils », sukshmadhyana, est cent mille fois supérieure à tejodhyana.

22. Voilà donc ce yoga de la méditation, Ô Canda. C'est une connaissance rare ! Grâce à lui on peut avoir la perception directe de son propre Soi. C'est pourquoi elle se distingue des autres disciplines.

Tel est le sixième enseignement de cet ouvrage que donna Shri Gheranda à Candakapali concernant le yoga physique et particlièrement le dhyanayoga ou pratique de la méditation.